Remarque préliminaire:
La filière de l’énergie éolienne bénéficie de deux privilèges, exorbitants dans un monde de libre échange:
➢ Une priorité d’accès au réseau électrique même si le réseau n’est pas demandeur: Quel que
soit le besoin du réseau et le moment où elle est produite, cette électricité «fatale» doit être
absorbée et tous les autres moyens de production pilotables doivent s’effacer au profit de
cette filière,
➢ La filière bénéficie d’un mécanisme de prix garanti sur une très longue durée (15 ou 20 ans)
de l’électricité produite. Le prix garanti représente un multiple du prix du marché compris
entre 1,5 et 3 fois; le multiple peut être bien supérieur quand le prix de marché s’effondre,
voire devient négatif (ce fut le cas pendant le confinement 2020 avec une surproduction mal
La filière bénéficie de ces deux privilèges, même quand le site est issu d’un appel d'offre: le prix du contrat de rachat est alors figé pour 20 ans.
Prévision de rentabilité d’un site éolien suite à appel d’offre CRE P8:
Les hypothèses retenues:
Pour analyser le bénéfice prévisionnel d’un opérateur, il convient de ramener les coûts opérationnels
au MW installé. Les chiffres retenus sont les suivants:
➢ Le prix de vente public d’une éolienne se monte en 2020 à 775.000€HT/MW (donnée
Vestas communiquée annuellement).
L’ADEME avait estimé en 2017 que l’éolienne représentait 80% du montant total de l’investissement et les autres dépenses 20%. Il faut tenir compte de l’ancienneté de l’étude et des dérives dues depuis au renforcement des prescriptions environnementales. Fixons forfaitairement le coût d’environnement à 36 % du projet, l’investissement représenterait 1.200.000€H/MW
installé.
➢ Facteur de charge prévu dans l’appel d’offre P8 : 28%
➢ Taux d’intérêt long terme: 1,5%. La quasi intégralité des capitaux est empruntée
➢ Facteur L: 0,6% /an avec une inflation annuelle de 2%
➢ Taxes locales: retenu forfaitairement à 1,6 fois l’IFER, ce qui est généreux,
➢ Impôt sur les sociétés : prévu à 26,5% pour un exercice ouvert le 1/1/2021,
➢ Démantèlement: la provision règlementaire /MW installé a baissé; elle est passée de
25.000 €/MW pour une éolienne de 2 MW à 20.000 €/MW pour une éolienne de 3
MW et 15.000 €/MW pour une éolienne de 5,5 MW. La loi sur l’obligation de remise
en état a néanmoins changé. Nous y reviendrons.
Les résultats:
Le site retenu par appel d’offre avec ces hypothèses dégagera un chiffre d’affaires HT de 3.188.299 € et un résultat net de 335.694 € soit une rentabilité nette de 10,45%;cela paraît raisonnable compte tenu des aléas de production.
Cette rentabilité peut d’ailleurs être compromise par l’obligation de remise en état complète du site
(arrêté de juin 2020). Un opérateur est donc sous la menace d’une obligation de remise en état complète avec extraction complète des fondations; dans ce cas, les coûts de remise en état, nets des revenus issus du recyclage, évoluent entre 80.000 € /MW et 200.000 €/MW.il ne s’agit que d’estimations, il n’y a pour le moment que très peu de retours d’expériences.
On pourrait donc conclure en première approche que le processus d’appel d’offre permet à la
Collectivité de payer l’électricité produite à un prix proche de son prix de revient et de rémunérer raisonnablement l’opérateur (10% de rentabilité) compte tenu des aléas de production.
En fait, ce n’est pas si simple: L’augmentation de la part du renouvelable non pilotable dans le mix énergétique a un impact direct sur le prix de marché.
Analyse de l’exemple allemand:
L’Institut Fraunhofer communique de façon documentée et abondante sur les données du marché allemand;les données qui suivent sont extraites du site FraunhoferISE.
Au 1er janvier 2021, la répartition des capacités de production électrique en Allemagne se répartit comme suit:
En Allemagne, Éolien + Solaire représentent maintenant une capacité installée de 120,2 GW soit 54,5% des moyens de production électrique, toutes filières confondues.
A l’instar de la France, les filières solaire et éolien bénéficient en Allemagne du même privilège de priorité d’accès au réseau électrique.
Il est intéressant de vérifier si le prix du marché spot a une corrélation avec le taux d’utilisation de ces capacités de productions renouvelables. Intuitivement, les lois du marché laissent penser que si un bien arrive en abondance sur un marché non demandeur, le prix de marché s’écroule et dans les faits, la réalité corrobore l’intuition.
C’est ce qu’on constate dans la figure ci-après.
Le nuage de points (couleur ocre) représente, depuis le début 2021, le prix spot observé en fonction du taux d’utilisation des capacités de production des ENR –Solaire + Eolien:
➢En abscisse, la puissance utilisée en GW des filières solaire + éolien,
➢En ordonnée, le prix spot en €/MWh.
Il apparaît clairement une régression linéaire (ligne bleue)et donc une corrélation entre prix spot et
taux d’utilisation des ENR.
Cette droite est décroissante depuis un point maximum (prix spot de 80,48 €/MWh -solaire/ éolien à l’arrêt) et un point minimum (prix spot de quelques €/MWh -puissance utilisée de 70 GW, soit 70% de la capacité).
A titre de marqueur, on a figuré (droite rouge)le résultat du dernier appel d’offre de la tranche 8 (61
€/MWh).
➢ Plus des deux tiers des points sont situés en dessous de ce marqueur de l’appel d’offre.
Clairement le rachat se fait majoritairement au-dessus du prix spot; c’est au détriment du
consommateur,
➢ Dès que la production de ces deux filières dépasse 17%d’utilisation, le prix de marché est inférieur au prix d’appel d’offre (un processus de subventionnement intervient),
➢ Constat plus préoccupant: on pourra noter le nombre très significatif d’occurrences où le prix
est négatif ou nul;ce phénomène apparaît dès lors que les filières ENR sont utilisées à 17%,
➢ Si les filières ENR sont utilisées à plus de 33%, le prix de marché moyen est inférieur à 50% du
prix de l’appel d’offre: on rachète pendant 20 ans à deux fois le prix de marché...
➢ Et quand les filières ENR sont utilisées à 50%, les prix sont majoritairement nuls ou négatifs.
En fait, le cas de l’Allemagne préfigure ce que pourrait être la situation française avec la PPE: si les filières solaire et éolienne, moyens non pilotables, représente une part significative des moyens de production,le prix de marché devient très souvent nul ou négatif. Ainsi que l’explique benoîtement RTE:
"On observe principalement des prix négatifs lorsque les productions éolienne et solaire couvrent une part importante de la consommation, ce qui est plus souvent observé en Allemagne. Avec le développement des énergies renouvelables, ces épisodes sont amenés à être de plus en plus nombreux»*.
L’intuition de bon sens est donc vérifiée: comme la production de ces filières aléatoires est
parfaitement déconnectée des besoins du marché, compte tenu du privilège dont elles bénéficient, peu importe que le réseau soit demandeur ou non, s’il y a du vent ou du soleil, les moyens pilotables sont obligés de s’effacer au profit des filières dites renouvelables. Et si la capacité des renouvelables devient prépondérante dans le mix énergétique, la surproduction provoque alors un écroulement du prix de marché.
On pourrait éventuellement imaginer qu’au bout de 20 ans, les installations étant amorties, la filière
perde alors son privilège d’accès au réseau et que la production ne puisse être injectée sur le réseau qu’en cas de besoin. Mais, ce sera peine perdue parce que les installations auront atteint leur fin de vie et il faudra alors les démanteler et tout sera à recommencer au détriment du consommateur.
Pour conclure,
Retenir des prix à l’issue d’un appel d’offre garantit simplement que les opérateurs ne vont pas faire
des résultats indécents mais ce faisant, on ignore complètement le principe de base du
fonctionnement de la fourniture de l’électricité.
Ce n’est pas une marchandise comme une autre – quoiqu’en pense la commission européenne. C’est la demande de puissance qui commande la production et non l’inverse;en gros, on s’attend à avoir de la lumière quand on baisse l’interrupteur.
Attribuer donc un prix fixe de rachat pendant 20 ans à un moyen de production aléatoire et non pilotable, revient à entretenir artificiellement ce moyen pendant 20 ans et donc à le subventionner, quand bien même ce prix résulterait d’une procédure d’appel d’offre.
Enfin les épisodes de prix bas, nuls ou négatifs sont transparents pour le consommateur;l’électricité
est rachetée au producteur à prix fixe indépendamment de ces épisodes,l’électricité produite quand
le marché n’est pas demandeur, n’étant pas stockable. La procédure d’appel offre qui devrait en final bénéficier au consommateur, ne lui sert donc à ... rien !
Michel Faure pour Énergie Vérité
*Mensuel de l’électricité de mars 2021
Quand vous dites que "les moyens pilotables sont obligés de s’effacer au profit des filières renouvelables", vous dites concrètement que l'Allemagne arrête d'utiliser son gaz ou son charbon. C'est une superbe nouvelle ! Ces filières sont chères et polluantes, et tirent à la hausse le prix SPOT, donc le prix pour le consommateur. D'ailleurs, tous les contrats de soutien publics aujourd'hui attribués aux énergies renouvelables ont une clause qui met fin au soutien en cas de prix négatif ou nul. Donc on ne paye pas pour de l'énergie produite à perte
Ce qui est plus grave, c'est qu'il n'apparaisse pas d'effet de substitution, en Allemagne, de l'énergie fossile et hautement carbonée par cette énergie excédentaire peu carbonée éolienne ou photovoltaïque. Logiquement, les subventions devraient au moins permettre d'éviter la production concomitante d'électricité d'origine fossile et donc minimiser les émissions de gaz à effet de serre. Ceci corrigerait au moins partiellement le dispositif. Apparemment ce n'est pas le cas. Reste la question des certificats carbone : les producteurs éoliens et PV en bénéficient-ils même lorsque la production est inutile, vendue à perte, et concomitante à une production électrique fossile ?