La PPE n’est pas cohérente avec la Stratégie Nationale Bas-Carbone SNBC
Une PPE publiée dans la précipitation
Alors que le gouvernement avait suspendu mi-mars 2020 toutes les réformes divisant les Français, pourquoi la ministre de la transition écologique a-t-elle, en pleine crise sanitaire, remettant en cause bien des hypothèses, publié le 24 avril une PPE n’ayant, à mon avis, pratiquement pas tenu compte des nombreuses contributions d’un débat pourtant jugé clivant par ses fonctionnaires, alors qu’en même temps en déplacement à Pau, le Président de la République avait reconnu que l’envahissement éolien avait atteint des limites ?
Sa seule réponse à cette question, réponse trois fois répétée le 30 avril 2020 à l’Assemblée Nationale : « pour donner de la visibilité aux opérateurs ».
Pourquoi cette fuite en avant vers des objectifs tellement ambitieux
qu’aucun observateur objectif ne peut les prendre au sérieux ?
Nous avons noté que si le premier ministre et le ministre de l’économie ont ajouté leur signature à celle d’Elisabeth Borne sur un décret se limitant à donner des objectifs d’énergies renouvelables, la PPE n’était évoquée dans ce texte que par un article 1 exprimant qu’elle est approuvée et renvoyant à une note en fin d’arrêté renvoyant elle-même à un lien (celui-ci n’étant d’ailleurs devenu actif que quelques jours après). La PPE est donc selon les premières analyses de ses opposants un objet juridique non identifié.
Plusieurs associations se préparent à contester ce décret PPE. Cette note propose une très rapide synthèse des contradictions et incohérences de l’ensemble du décret PPE et de la SNBC
Je l’ai rédigée, mobilisé par mes convictions écologiques au sens large. Mes engagements au service d’un combat climatique plus efficace sont cohérents avec mon profond respect pour la beauté des paysages de nos territoires associant les espaces naturels aux cultures, villes, villages et monuments.
Mon positionnement d’ingénieur a bénéficié des nombreuses compétences des membres des associations Sauvons le Climat et des Comités énergie, transport et environnement des IESF (Ingénieurs et Scientifiques de France), ainsi que de ce que j’ai appris de mes amis des associations d’actionnaires salariés et retraités d’EDF et des travailleurs et élus du territoire de Fessenheim berceau de ma famille.
N’étant pas juriste, je laisse à ceux qui le sont le soin de tirer les opportunités de leur art des nombreuses contradictions et incohérences que j’ai relevées.
Mes sources ont été d’abord les quelques 300 pages du dossier PPE, et 200 pages de celui de la SNBC. Ainsi qu’une large lecture des cahiers d’acteurs et participations aux débats publics.
La SNBC donne le cadre à long terme de la stratégie d’où découle la PPE, mais n’a pas été l’objet de débats et concertations aussi complets.
J’ai aussi tenu compte d’une très intéressante analyse du CGE-DD (Commissariat Général Environnement Développement Durable) rattaché à la ministre, portant sur les évolutions par secteurs des émissions françaises depuis 1990 jusqu’à 2017. Dans une démarche de projet normalement conduite, ce diagnostic aurait dû être dès le départ communiqué à tous les participants.
Un travail complet d’analyse de l’ensemble PPE- SNBC serait très long, aussi ai-je choisi de me concentrer sur l’essentiel, à savoir en quoi le moyen électricité peut contribuer à une stratégie bas carbone vraiment réussie tout en respectant les territoires, les emplois, dont ceux de l’industrie et la sécurité et l’économie du pays.
La Stratégie Nationale Bas-Carbone, ou l’art de passer d’une droite descendante avec une pente de -1% par an entre 2014 et 2018 à une autre se dirigeant vers 2050 à moins 5%/an d’ici 2050.
La SNBC est partie d’une volonté politique de neutralité carbone estimant que l’on pourrait limiter nos émissions à ce que permettrait une séquestration sur notre territoire de 80MtCO2eq en 2050, contre environ 50 en 2018, soit une division par six des émissions en 32 ans ce qui correspond à une baisse de 5%/an, alors qu’en 2015 la loi LECTV se contentait d’une division par quatre.
Pourquoi avoir pris un objectif aussi fort que celui d’une neutralité carbone sur le territoire hexagonal du pays, alors que la neutralité carbone demandée par le GIEC tient compte d’une séquestration de la moitié des émissions de gaz carbonique de la Planète par les forêts et les océans ?
J’ai choisi comme période de référence pour les tendances 2014 -2018. Le CGE-DD précité a trouvé une tendance de -1,7%an pour 2015-2018 et le CITEPA -0,6% /an pour 2014-2018. J’ai donc arrondi à -1%/an en sachant que 2014 et 2018 étaient deux années également chaudes. Nous ne connaissons pas encore 2019. De multiples aléas, hydraulique, facteur de charge du nucléaire, stockages de combustibles peuvent influencer en plus ou en moins la statistique d’une année.
Pourquoi ne pas avoir tenu compte des baisses importantes d’émissions entre 2007 et 2014 ? Parce que les chiffres du CGE-DD démontrent que celles-ci avaient pour causes principales la désindustrialisation due à la crise de 2008 qui avait aussi touché le transport. Cette désindustrialisation semble être enrayée depuis 2015.
De plus 2014 -2018 nous informe sur les résultats effectifs des politiques climatiques engagées depuis le Grenelle de l’Environnement et la Loi de Transition Énergétique pour la Croissance Verte (LTE-CV) de 2015, politiques que la PPE entend poursuivre. Constatons d’emblée que cet ordre de grandeur de -1%/an n’est pas compatible avec la réussite de l’engagement COP21 de réussir -40% entre 1990 et 2030, puisqu’en 2018 nous n’avons fait que le plus facile, -20%
Pourquoi cette fuite en avant vers des objectifs tellement ambitieux qu’aucun observateur objectif ne peut les prendre au sérieux (y compris les fonctionnaires compétents qui en « off » annoncent une neutralité carbone plutôt vers la fin du siècle) en contraste avec les très médiocres résultats de politiques que l’on affirme vouloir poursuivre, tout en fermant les yeux devant un examen honnête des tendances ?
Bien sûr, la crise du Coronavirus va comme celle de 2008, mais avec plus de brutalité, faire baisser ces émissions temporairement, et nous ne disposerons donc difficilement lors de l’étape 2023 de la PPE d’un nouveau diagnostic nous permettant de prévoir 2030.
Raison de plus pour bien étudier les tendances 2014-2018.
Tous les chapitres de la SNBC présentent pour les secteurs concernés des graphiques avec des droites se coupant en 2018 en traçant à partir de ce sommet une descente avec une pente nettement plus forte afin d’arriver à l’objectif 2050, et une abondante littérature commentant tout ce qu’il faudrait faire pour réussir cette étonnante rupture de tendance, mais sans des notes de calcul sourcées chiffrant avec réalisme ce que l’on pourrait atteindre des différentes mesures évoquées et constatant que leur enveloppe était bien cohérente avec l’objectif de neutralité carbone affiché.
Trois exemples :
· L’industrie :
La SNBC se garde d’appeler à une désindustrialisation supplémentaire, mais appelle toutefois l’industrie à baisser de 80% ses émissions d’ici 2050, est- ce compatible ? Dans les cahiers d’acteurs du débat public CNDP du printemps 2018 des industriels se sont exprimés. Par exemple le papier carton, la sidérurgie, le ciment, en gros ils disent tous qu’en une génération, 30 à 40 ans, ils avaient divisé par deux leurs consommations unitaires d’énergie par tonne de ciment, d’acier ou de carton, mais que le plus facile avait été fait. La crise du coronavirus nous a fait prendre conscience de la vulnérabilité du pays provenant d’une sous-traitance excessive à l’étranger de composants stratégiques. Ne compter que sur la chaleur renouvelable et une électrification plus poussée et des efficacités énergétiques non prouvées est contradictoire avec la volonté d’une renaissance industrielle. L’industrie n’a pas attendu les conseils des pouvoirs publics pour faire travailler ses ingénieurs pour améliorer son efficacité énergétique. Elle sait lire ses comptes d’exploitation et ses dirigeants, bien conscients des risques d’un choc pétrolier, retiennent un prix élevé du carbone comme critère de choix de leurs investissements.
· La production d’énergie (électricité, raffinage, chauffage urbain)
La SNBC demande à ce secteur un bilan zéro émissions pour 2050, sans préciser si nous renoncerions au raffinage sur notre sol. Le Président de Total vient de donner comme objectif à ses troupes de baisser de 1% par an les consommations spécifiques d’énergie.
Le contenu carbone de l’électricité française depuis 2014 évolue sur un plateau horizontal entre 40 et 60gCO2/kWh, en légère baisse par rapport à son niveau du début des années 2000.
Il n’existe pas d’étude scientifique objective expliquant ces variations. Certains pourront argumenter sur l’apport des énergies renouvelables intermittentes qui représentent aujourd’hui 7% du mix. D’autres insisteront sur la disponibilité du parc nucléaire et sur une série d’années plutôt chaudes en rappelant que nous avions connu une pointe de froid en 2012. N’oublions pas un des beaux exploits de la productivité énergétique, le remplacement de l’usine d’enrichissement d’uranium Georges Besse 1 par Georges Besse 2 économisant au moins le potentiel de deux réacteurs de la centrale de Tricastin aujourd’hui disponibles pour alimenter l’économie. Affirmer que le système électrique des années 2030-2050 n’aura plus besoin d’un concours de centrales pilotables au gaz pour assurer des pointes que ne peuvent assurer les renouvelables intermittents ne repose sur aucune étude sérieuse, ce qui décrédibilise la neutralité carbone totale de l’électricité française à cet horizon. A fortiori compte tenu des constats de cette nature qui sont retirés du programme Energiewende allemand mené depuis 2011. L’Allemagne a prévu de construire de nouvelles centrales au gaz.
· Le transport
Les tendances du transport démontrent une légère hausse des émissions en tendance récente soulignée par France Stratégie, pourtant la SNBC lui prescrit la neutralité carbone pour 2050 ! Représentant 30% de nos émissions, le transport est un des dossiers les plus difficiles de la transition énergétique, car il ne se résume pas à des dossiers techniques, comme l’ont démontré les épisodes des Bonnets rouges et des Gilets jaunes.
Les dossiers PPE et SNBC constatent une baisse de la productivité énergétique de la France de 1,7%/an. Cet ordre de grandeur se retrouve pour l’ensemble de la communauté européenne. Comment justifier qu’il soit possible comme l’avait affirmé la LTECV, que la consommation d’énergie baisserait de moitié d’ici 2040, alors que le PIB aurait connu une légère croissance ? Cela signifierait que l’on devrait passer cette productivité énergétique de 1,7 à plus de 3 à 4% /an.
Ainsi la SNBC est davantage un assemblage de vœux qu’une démonstration convaincante : la faisabilité de cette pente affichée de -5% n’est pas prouvée par un programme d’action documenté, que l’on en ait une analyse globale ou une analyse par secteurs.
Le commentaire récent de la secrétaire d’État Emmanuelle Wargon sera une conclusion : « Un plan n’a jamais sauvé un oiseau ou une rivière. »
Les responsables de la DGEC et des experts se sont exprimés sur les moyens de la SNBC dans la revue Responsabilité et Environnement
Alors que le dossier SNBC ne décrit pas le système électrique de 2050, La Revue du Corps des Mines, Responsabilité et Environnement, apporte des éclairages intéressants sur les la place des différents moyens énergétiques souhaités par la SNBC.
Le directeur de la DGEC, Direction Générale de l’Energie et du Climat, Laurent Michel a signé un article donnant l’évolution de la consommation des énergies pour atteindre la neutralité carbone. Le charbon disparaitrait, le gaz et le pétrole ne resteraient que pour les besoins incompressibles de l’agriculture et de l’industrie, mais la consommation électrique devrait croitre à partir de 2030 partant de 475TWh/an en 2018 pour atteindre 600TWh en 2050.
Dans le même numéro, Jean-Michel Cayla et Donia Peerhossani, analystes d’EDF, qui connaissent bien son marketing, nous proposent avec réalisme que les politiques d’électrification conduisent à des croissances cette consommation de 40 TWh d’ici 2030 et 160 TWh d’ici 2050, soit +33%. Ils ajoutent que la consommation d’électricité pour le chauffage resterait stable autour de 60TWh, mais que ses pointes seraient mieux maitrisées.
« En effet les technologies électriques à l’aval, pompes à chaleur et véhicules électriques notamment permettent non seulement de décarboner, mais également de réduire fortement les consommations grâce à leur grande performance énergétique. »
Retenons qu’il y a un accord reconnaissant que le développement du vecteur électrique est une condition incontournable d’une dé-carbonation de l’économie, donc nécessité de prévoir une croissance forte de notre production électrique décarbonée. Or la PPE a été initiée selon les directives du ministre de l’époque sur des hypothèses non négociables de baisse de la consommation d’électricité.
La seule introduction du ministre avait été formulée ainsi :
« Le ministre [NDLR : Nicolas Hulot] a retenu comme base de discussions deux scénarios de mix énergétique sur les quatre proposés par le gestionnaire du réseau de transport RTE. L’un, baptisé Ampère, prévoit de réduire d’ici 2035 la capacité de production nucléaire de 14,5 gigawatts (GW), ce qui impliquerait de fermer 16 réacteurs de 900 mégawatts (MW) en plus de la centrale de Fessenheim (Haut-Rhin). Le second, baptisé Volt, envisage une baisse de 8 GW de la capacité de production nucléaire, soit la fermeture de 9 réacteurs. »
Et la conclusion du débat public CNDP de 2018, telle qu’avait voulu la présenter le Président Archimbault « Il n’appartient pas à la commission du débat public de se prononcer sur le fond des arguments des uns et des autres, mais il lui appartient de dire au gouvernement…(si)… des signaux qui apparaîtraient déséquilibrés ou asymétriques en matière de nucléaire ou le report sine die des 50% seraient perçus comme extrêmement négatifs, au regard de la mobilisation pour la transition énergétique » confirme que tout ça a été organisé pour ça : fermer des réacteurs.
Ce qui politiquement était dit au départ s’est retrouvé à l’arrivée, à savoir fermer, y compris Fessenheim, 16 réacteurs. Ce sont les premiers mots de Nicolas Hulot après son installation à la tête du ministère, et une volonté de couvrir le territoire et nos côtes de moulins à vent, répétés par la ministre actuelle.
Fin 2017, lors des réunions de présentation de ces scenarii de RTE ses représentants face à des questionnements demandant de justifier la baisse prévue de 10% de la consommation d’électricité n’ont su que répondre : On nous a demandé de programmer le 50% de nucléaire pour 2035, or sans baisse de la consommation, c’est impossible.
Cette doctrine est tirée des scénarios Négawatt 2030-2050 construits par des déclinistes et ADEME 2030-2050 relevant de la même idéologie dominante, les seuls cités dans le dossier SNBC, alors qu’il existe bien d’autres scénarii, plus crédibles dont ceux d’EDF et Négatep construit par une équipe de Sauvons le Climat.
Or depuis 2010, la consommation d’électricité est remarquablement stable. Il est donc clair que la PPE et la loi Energie Climat de 2019 ont été bâties sur des hypothèses aujourd’hui totalement démenties par le directeur de la DGEC anticipant dans son article une croissance de plus de 25% de la consommation d’électricité dans la cadre de la SNBC.
La SNBC, constatant avec un certain réalisme que les ressources de chaleur renouvelable basées sur la biomasse et la géothermie sont limitées, a choisi le vecteur électrique pour décarboner les secteurs du logement et du transport, ce qui rend indispensable une croissance de la production d’électricité.
Elle rend ainsi caduque le déclinisme de la PPE : les deux dossiers ne sont pas cohérents.
Le système électrique présenté par la PPE et la SNBC est-il sûr et économique ?
La crise du Coronavirus nous a sensibilisé à la sécurité de la disponibilité des biens communs. L’électricité en est un. Imaginons comment nous aurions passé cette crise sanitaire si les hôpitaux avaient dû recourir à leurs groupes diesel ? Le système proposé par la PPE est -il sûr ?
De nombreuses études sérieuses n’ont pas été écoutées :
- Une étude d’EDF R&D pilotée par Alain Burtin a démontré que la plaque européenne pourvue d’interconnexions pouvait accepter au maximum 40% d’énergies renouvelables intermittentes, mais à la condition de garder l’essentiel des potentiels pilotables actuels, dont 100% du nucléaire.
- Une étude du Cabinet IED mandaté par le CCE d’EDF piloté par François Ficheux a étudié pour le cas français toutes les pertes de capacités pilotables, les impacts réels des mécanismes de capacité ainsi que les potentiels des importations confrontés aux pointes de grand froid à prendre en compte et a conclu à la probabilité forte de délestages sauvages.
- L’expert de Sauvons le Climat Jean Fluchère, ex professionnel, a prévu que dès 2022 nous serions en danger et peut produire des argumentaires détaillés et chiffrés appuyant cette contestation.
- Enfin le dernier ingénieur président de RTE Dominique Maillard avait été sensibilisé par la difficulté avec laquelle la France avait passé la pointe de grand froid de 2012 de 102GW et fait part de son inquiétude devant les fermetures pour cause de non rentabilité des centrales au fioul et réclamé un mécanisme de capacité contraignant tous les intervenants sur le marché à être en mesure d’assurer leurs responsabilités. Son successeur, l’ex-député François Brottes, promoteur de la LECTV a apparemment oublié cet avertissement.
Très curieusement la France vient de fermer la centrale de FESSENHEIM produisant une électricité décarbonée et renonce aussi à tenir la promesse solennelle faite par le Président de la République de fermer d’ici 2022 les centrales au charbon, puisque RTE a demandé le maintien en service de celle de Cordemais.
Les travailleurs du nucléaire n’écoutant que leur sens du service public se sont dès le départ de la crise sanitaire mobilisés pour faire fonctionner les réacteurs nucléaires garantissant ainsi la sécurité des systèmes de soin et des Français confinés, donnant ainsi priorité au fonctionnement bien nécessaire, puisque la consommation n’avait baissé que de 15%, sur les travaux liés aux arrêts et rechargement. Il en résulte évidemment des retards déprogrammant les organisations de l’hiver. La ministre a formulé le plus pervers des remerciements en affirmant qu’il fallait diversifier notre système électrique avec plus de renouvelables, notamment l’éolien afin de le rendre soi-disant plus résilient et donc réduire la part du nucléaire. Oublie-t-elle que pendant cette crise, nous avons connu un éolien qui pour une capacité de 16 GW a parfois produit plus de 12 GW nous contraignant à des exportations à prix bradés voire négatifs, suivis par de nombreux et longs plateaux à moins de 1 GW ?
Que faut-il penser des perspectives de stockage de l’électricité ?
PPE et SNBC affirment sans démonstration que les stockages permettront de réguler les intermittences à venir de l’éolien et du solaire. Pourtant, à y regarder de près, nous constatons dans l’article de Laurent Michel que seulement une partie de l’hydrogène consommé actuellement par la chimie et demain par des poids lourds et véhicules à hydrogène serait d’origine électrique.
Edouard Freund, ancien directeur scientifique d’IFPEN et président du comité énergie des IESF a été l’un des organisateurs de colloques à la maison de la chimie sur l’hydrogène et les batteries. Il en a fait le compte rendu. J’ai personnellement suivi le colloque hydrogène.
Les performances des batteries connaissent de grands progrès. L’objectif premier de la France sera de rapatrier leur production dans une usine très grosse consommatrice d’électricité sur notre sol. Leur utilisation principale sera l’électrification de la plus grande part possible du transport (elles représentent 40% de la valeur ajoutée des véhicules électriques). Elles pourront en outre contribuer à réguler la fréquence des réseaux et pourraient assurer des stockages à court terme, par exemple garder l’énergie du solaire de mi-journée dans nos DOM pour éclairer le soir. Mais en aucun cas elles n’auraient le potentiel nécessaire, à un coût marchand acceptable, pour stocker des excédents de solaire de plein été pour nourrir le chauffage des hivers.
Les systèmes d’électrolyse opérationnels aujourd’hui supportent mal les variations de charge et requièrent pour produire un hydrogène dont le prix de revient approcherait celui du vapo-reformage du gaz des utilisations de près de 8000 heures par an totalement incompatibles avec les variations de puissance de l’éolien de près de 20GW prévu d’ici 2028. Bref la fabrication d’hydrogène décarboné par électrolyse est économiquement compatible avec une alimentation continue d’une centrale nucléaire, comme la production d’Aluminium Dunkerque, certainement pas par des excédents aléatoires de renouvelables.
La seule étude citée sur un mix 100% renouvelables est celle de l’ADEME qui a trouvé comme solutions de pouvoir jouer sur une modulation de la demande de l’ordre de 15% (c’est exactement ce qu’entraine le recul actuel de 40% de l’économie française) sous des formes (effacement volontaire) qui ne correspondent pas au vœu de qualité du service ressortant du débat CNDP 2018 ainsi que de traiter les imports exports comme une variable d’ajustement. Où trouver dans ce cas le pays européen exportateur providentiel d’électricité quand toute l’Europe connaitra une panne de vent de plusieurs jours ?
Les Allemands sont réalistes, ils ont prévu pour assurer le back-up de leurs éoliennes des centrales au gaz remplaçant celles au charbon qu’ils promettent de fermer.
Ainsi, le stockage des électricités intermittentes n’apparaît pas comme une solution réaliste pour garantir la qualité du service de livraison de l’électricité, au-delà de la réalisation de prototypes apparaissant dans le dossier PPE ? Mais alors, qu’en est-il des prix ?
Que faut-il penser de l’évolution attendue des prix de l’électricité ?
Depuis le Grenelle de l’environnement, le prix de l’électricité payé par les ménages y compris les précaires a augmenté de plus de 25% en euros constants. Il a doublé depuis 2000 :
Le 27 novembre 2019, le Président de la République a bien confirmé que le soutien aux renouvelables intermittents coûterait 7Mds /an. Qui paiera l’addition, les ménages, les entreprises, ou les impôts ?
Un discours sur le nucléaire biaisé
Extraits du dossier PPE incluant le projet de décret PPE soumis à consultation concernant le nucléaire :
« La filière nucléaire emploie environ 220 000 salariés, emplois directs et indirects, soit 6,7 % de l’emploi industriel français. Elle regroupe 2 600 entreprises pour un chiffre d’affaires de 50 Mds€ par an, dont 1,3 Mds€ consacrés à la recherche et développement69. Sur les 2 600 entreprises composant la filière, les PME représentent 65 % des entreprises contre 3,5 % pour les grands groupes et les exploitants (EDF). Ces dernières représentent néanmoins la majorité des emplois de la filière, qui se démarque également par ses emplois qualifiés, la proportion de cadres et d’ETAM (Employés, Techniciens et Agents de Maîtrise) dépassant les deux tiers des effectifs. Il convient également de remarquer le haut niveau de spécialisation des salariés et le fait que la part des effectifs des petites entreprises dédiée aux activités nucléaires est relativement importante. »
« …Pour atteindre cet objectif de 50 % de la production d’électricité d’ici 2035, le Gouvernement fixe les orientations suivantes : 1) 14 réacteurs nucléaires seront arrêtés d’ici 2035, dont ceux de la centrale de Fessenheim ; 2) Le principe général sera l’arrêt des réacteurs, hors Fessenheim, à l’échéance de leur 5ème visite décennale, soit des arrêts entre 2029 et 2035. L’arrêt à la 5ème visite décennale est :
• Un scénario cohérent au plan industriel : la 5ème visite décennale constitue une date bien définie à laquelle un arrêt long et des investissements sont obligatoires, qui ne seront pas engagés si un arrêt définitif est planifié à cette date.
• Pour répondre à la demande d’électricité, en France comme en Europe, l’investissement dans la prolongation de l’exploitation des réacteurs est moins coûteux que l’investissement dans de nouvelles capacités. Tant que des débouchés existent et qu’il n’y a pas de moyens sur-capacitaires dont le coût de production est supérieur au prix de marché à l’exportation, ce scénario est le plus avantageux au plan économique pour les Français.
• Ce scénario permet de faire bénéficier le mix électrique français et européen d’une production de base décarbonée, ce qui permet de diminuer les émissions de CO2 européennes en se substituant à une production électrique plus carbonée.
• Le Gouvernement considère que ces fermetures, sont cohérentes avec la stratégie industrielle d’EDF, qui amortit comptablement les réacteurs de 900 MW sur une durée de 50 ans, et ne donneront donc pas lieu à indemnisation.
« L’analyse de ces conditions fera l’objet d’un rapport remis par la Commission de régulation de l’énergie au Gouvernement avant le 1er décembre 2022, et s’appuyant sur l’expertise de RTE. Pour mettre en œuvre cette trajectoire d’évolution des capacités nucléaires installées, le Gouvernement a demandé à EDF de lui transmettre une liste de sites sur lesquels ces fermetures pourraient intervenir, définie de manière à minimiser l’impact économique et social, ainsi que sur le réseau électrique, des fermetures, et en privilégiant des arrêts de réacteurs ne conduisant à l’arrêt complet d’aucun site nucléaire. Sur la base de ces critères, EDF a proposé au Gouvernement d’étudier la mise à l’arrêt de paires de réacteurs sur les sites de Blayais, Bugey, Chinon, Cruas, Dampierre, Gravelines et Tricastin ... »
Commentaires en cette mi-2020 :
Maintenant les territoires, personnels et syndicats sont au courant des menaces. L’exemple de Fessenheim où aucun projet industriel nouveau créateur d’emploi n’a été trouvé en huit ans malgré les promesses successives des nombreux envoyés du gouvernement va les faire réfléchir.
Cette présentation de la PPE est confrontée à l’affirmation de l’importance économique du nucléaire représentant 6,7% de l’emploi industriel, scénario le plus avantageux au plan économique pour les Français, scénario moins coûteux que l’investissement dans de nouvelles capacités. Et en même temps, le rédacteur s’efforce de justifier des arrêts d’usines rentables, jugées sures par l’ASN, et de plus produisant un courant décarboné. Comment comprendre qu’il serait rentable de prolonger un réacteur de 40 à 50 ans en réalisant alors des investissements améliorant sensiblement sa sécurité, et que ceci étant fait on ne prenne même pas la peine d’étudier la prolongation jusqu’à 60 ans, alors que des centrales de même famille sont autorisées à produire jusqu’à 80 ans aux Etats Unis.
Un lecteur naïf débarquant d’un autre pays se demanderait qui sont ces Français confrontés à une désindustrialisation meurtrière depuis 2007, ayant réussi en 2019 à redevenir un pays attractif pour les investissements étrangers avant l’Allemagne et le Royaume Uni, n’ayant pas d’autres objectifs dans le secteur de l’énergie que de tuer à terme 7% de leur emploi industriel pour ouvrir tout grand leur marché des composants de base des production d’énergie à l’industrie chinoise qui a acquis dans ce secteur une position dominante. Il conclurait : « Ils sont fous ces Français »
La logique du chapitre PPE sur le nucléaire est claire :
Prolonger le nucléaire, c’est rentable, bon pour l’emploi, et décarboné, mais comme il faut faire de la place à l’éolien et au solaire on ferme. Après une rédaction objective et équilibrée du fonctionnaire, la conclusion politique de la ministre tombe comme un couperet car au même moment les commentaires de la ministre face aux questions au gouvernement des députés Chassaigne et Schellenberger sèment le doute sur le nouveau nucléaire et demandent à EDF d’étudier un système électrique 100% renouvelables. A bon entendeur, salut !
En outre, l’investissement dans la R&D en matière nucléaire n’a pas été prolongé, comme en témoigne l’abandon du projet ASTRID.
Compte tenu des enjeux corrélatifs liés à l’envahissement éolien évoqué ci-dessus, il existe un intérêt à contester cet ensemble de biais sur le nucléaire.
Un droit à l’envahissement des territoires par les éoliennes ?
Sont prévus par le décret PPE les objectifs suivants en puissance en GW
- Eolien terrestre pour 2028 de 33,2 à 34,7, soit deux fois plus qu’aujourd’hui.
-Eolien en mer de 5, 2 à 6,2
Les commentaires du dossier PPE envisagent de multiplier par quatre ou cinq les potentiels éoliens et solaires d’ici 2050.
Envahissement éolien et fermetures de réacteurs sont la seule cohérence de la PPE, sans que pour autant il soit prouvé qu’elle puisse atteindre l’objectif affiché de dé-carbonation de notre électricité.
Jacques PETER, ingénieur "X" pour Énergie Vérité
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