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Des énergies pas si "vertes"

De la durée «d’amortissement» carbone d’un site ENR:


La réduction de l’émission du CO² semble être une préoccupation du moment du monde politique:

«Dans cet exercice de démocratie délibérative inédit, cent cinquante citoyennes et citoyens, tirés au

sort, venus de tous les territoires, de tous les milieux, représentatifs de la diversité et de la richesse

de la France ont travaillé durant neuf mois et rencontré des dizaines d’experts afin de proposer des

mesures concrètes visant à réduire les émissions nationales de gaz à effet de serre d’au moins 40%

d’ici 2030, dans un esprit de justice sociale.»

(Extrait de l’exposé des motifs de la loi Climat et Résilience).

Mais si on veut travailler dans un esprit de «justice sociale», il est aussi légitime de vérifier que les

mesures prises «nationalement» n’ont pas pour effet de «déplacer» le problème.

Même si chaque pays est juridiquement responsable de ses propres émissions de CO² (Protocole

de Rio), il serait immoral et injuste que les pays riches exportent leur pollution vers des pays plus

pauvres. Ce serait, de plus, une politique à très courte vue: une molécule de CO² émise en n’importe quel point du globe, en fait le tour en quelques années avant de se reconcentrer vers un des pôles.

Le CO² est donc un problème planétaire.

Comme toute réalisation humaine, la réalisation d’un site d’ENR, l’élaboration de ses composants,

son transport, son implantation provoquent une émission de CO² ou équivalent CO².

Quand on envisage la construction d’un site d’ENR et pour autant que l'on soit réellement préoccupé par la lutte contre les émissions de GES, en toute logique, on doit vérifier préalablement que le CO² évité sur la durée d’utilisation du site excèdera bien l’émission de CO² provoquée par sa construction.

Il faut donc calculer le temps mis pour «amortir» l’émission provoquée par sa construction, c’est-

à-dire la durée au-delà de laquelle la quantité de carbone «évitée» aura dépassé l’émission

provoquée par la construction du site.


En fait, la réponse dépend de l’endroit où ce site sera installé, parce que ledit site est censé remplacer des moyens existants; il faut donc rapporter la quantité émise pour la construction à la quantité évitée avec le mix énergétique observé localement:


➢Soit D la durée de vie du site ENR,

➢Soit EC l’émission du CO² provoquée par la construction du site (en tonnes équivalent CO²),

➢Soit TENR le taux représentant la quantité de CO² émis pour la construction rapportée à

l’énergie produite annuellement par ce site, (en tonnes équivalent CO²/MWh),

➢Soit Tmix le taux représentant la quantité de CO² émis par un pays pour produire annuellement son électricité avec son mix énergétique (en tonnes eq CO²/MWh),

➢Soit P la puissance du site ENR en MW,

➢Soit FC le facteur de charge du site ENR en %,

➢Soit EE, la quantité de carbone évité annuellement par le site en tonnes eq CO²


Le carbone instantané émis pour construire le site s’élève à

➢EC= P x FC x 24 h/j x 365 j/an x D x TENR

Le carbone évité annuellement par le site s’élève à

➢EE= P x FC x 24 h/j x 365 j/an x (Tmix-TENR)

La durée d’amortissement DA sera la durée qui vérifie l’égalité EC= EExDA

Ce qui donne –toute réduction faite,

DA= [Tenr/(Tmix -Tenr)] x D


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En ce qui concerne les émissions de CO² instantanées provoquées par la construction des ENR, en

2017, l’ADEME avait réalisé une étude sur les émissions en CO²eq des ENR sur leur cycle de vie*.

Les hypothèses retenues par l’ADEME étaient les suivantes:

- La durée moyenne retenue par l’ADEME était de 20 ans de cycle de vie (D=20 ans),

- L’utilisation de l’énergie primaire en elle-même est considérée comme sans émission,

- Cette convention ne s’applique pas à la valorisation de déchets (qui ne sont pas tous

renouvelables, notamment les plastiques), bien que certains organismes ( l’AIE notamment) incluent la valorisation de déchets dans les énergies renouvelables,

- Les facteurs d’émission obtenus ne tiennent pas compte de l’intermittence induite,

-Les différentes étapes du cycle de vie d’une installation éolienne sont incluses dans les

frontières du système : Fabrication des composants du système, installation du système

éolien, utilisation, maintenance,

- Enfin, pour assurer une cohérence de périmètre de comptabilisation avec les autres facteurs

d’émissions « énergie » présents dans la Base Carbone®, les phases de démantèlement et

fin de vie des ouvrages ne sont pas intégrées dans les facteurs d’émission retenus.


Les résultats obtenus par l’ADEME étaient les suivants:

➢Éoliennes terrestres: 0,0141 tonnesCO² eq/MWh

➢Éoliennes maritimes: 0,0156 tonnesCO²eq/MWh

➢Photovoltaïque: 0,055 tonnesCO² eq/MWh


Quelques remarques:

- La phase de fabrication des composants est la principale source des impacts, notamment en

raison de la consommation d’énergie (pour cause, parce que la phase de déconstruction n’a

pas été retenue dans le calcul des émissions...).

- Ne pas retenir le démantèlement du site pour le calcul de l’émission est une approximation

très favorable à ces filières ENR eu égard à la faible durée de vie des sites comparée à d’autres moyens de production (centrales thermiques, nucléaires ou retenues hydrauliques),

- Une deuxième approximation également très favorable à ces filières, est de ne pas retenir le

facteur aléatoire dans le calcul du CO² émis par les ENR,

- En ce qui concerne le photovoltaïque, l’ADEME indique que les résultats sont entachés d’une

incertitude de 30%et que les valeurs varient entre 35 et 85 g équivalent CO2 par kWh selon

les technologies et selon leurs implantations (sud ou nord de la France); de plus il y a une

grande variabilité des résultats suivant l’endroit où sont fabriqués les panneaux solaires et

du mix énergétique du lieu de fabrication,

- Les calculs sur l’éolien maritime ne bénéficient en France d’aucun retour d’expérience; il est

probable que le résultat réel devra être révisé à la hausse après la construction des premiers

sites,

- Enfin, et, en dernière approximation, on ne retient pas dans le calcul de l’émission

instantanée, la destruction des puits de carbone provoquée par les implantations des sites

ENR qui produisent pourtant une énergie diffuse et peu concentrée et qui requièrent donc

l’artificialisation de vastes surfaces naturelles ou agricoles.

On pourrait calculer «le rendement à l’hectare» du MWh nucléaire et du MWh éolien;celui-là est de 99.483 MWh/ha pour le nucléaire et celui-ci de 358 MWh/ha pour l’éolien...


S’agissant du carbone émis par le mix énergétique français, les données RTE sont les suivantes:

Malgré l’effet de la crise en 2020 et la faiblesse de la consommation française, les émissions ont

peu varié tout simplement parce que notre électricité est une des plus décarbonées du monde et

les efforts français pour décarboner un peu plus ressemblent à une tentative désespérée de raser un œuf.


On semble atteindre progressivement un plancher de 0,034 tonnes eq CO²/MWh.

Comme nous ne connaissons pas les effets de la reprise possible en 2021, par convention, retenons la moyenne 2019-2020, soit 0,0345 tonnes eq CO²/MWh.


En France, hors démantèlement, il faudra donc:


-13,8 ans pour amortir le CO² émis pour construire une éolienne terrestre,

-16,5 ans pour amortir le CO² émis pour construire une éolienne marine,


-Pour un site photovoltaïque, s’il est installé dans le sud de la France, sa durée

d’amortissement dépasse sa durée de vie et s’il est installé dans le nord de la France, il

émet deux fois plus de CO² qu’il permet d’en éviter.


Ce résultat est évidemment strictement lié aux performances d’émission du mix énergétique du

pays; en Allemagne, où les émissions de CO² sont 7 fois plus élevées qu’en France, la durée

d’amortissement d’un site sera de 1,2 ans.

En France, les énergies dites «vertes» ne sont donc pas si vertes et n’ont pas leur place.


Michel Faure pour Énergie Vérité


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